CAA de Nancy – 26/03/2019 – n° 18NC02103 – SCA France Teinture
« 3.Il ressort des pièces du dossier que la société France Teinture demande le bénéfice du crédit d’impôt recherche au titre des dépenses exposées par elle pour la réalisation, à la demande de ses clients et aux fins de la fabrication par eux de nouvelles collections, d’échantillons de tissus, qui ne sont pas destinés à la vente. 4.En premier lieu, il est constant qu’aucun styliste ni aucun technicien de bureau de style n’intervient dans l’élaboration des échantillons de tissus que la société requérante réalise à la demande de ses clients à la suite des études que ceux-ci lui confient et qui déterminent les caractéristiques techniques et esthétiques des produits commandés. Toutefois, les dépenses afférentes aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d’échantillons non vendus ne peuvent être exclues de l’avantage fiscal en cause au seul motif que la société n’a pas exposé de dépenses afférentes à des stylistes et techniciens des bureaux de style, alors que les dispositions précitées du h du II de l’article 244 quater B autorisent la prise en compte distincte de ces deux catégories de dépenses de personnel. 5.En second lieu, l’administration fiscale fait également valoir que les dépenses engagées par la société ne constituent pas des dépenses conduisant à l’élaboration de nouvelles collections. Toutefois, la société France Teinture ne se prévaut pas de ce qu’elle élabore elle-même des nouvelles collections au sens des dispositions précitées du code général des impôts, mais de ce que ses clients élaborent des nouvelles collections et qu’ainsi elle doit être regardée comme participant à l’élaboration de ces collections.
6.L’administration ne conteste pas que les clients de la société France Teinture, qui fabriquent des articles textiles, élaborent des collections. Il résulte par ailleurs de l’instruction que la société est dotée d’un laboratoire qui participe à la création de ces collections, en créant de nouvelles gammes répondant aux demandes de ses clients, selon un cahier des charges technique visant les coloris, le toucher, les effets et aspects, le confort et les mélanges possibles de matières. Les travaux de la société requérante peuvent être regardés comme portant sur la mise au point de différents éléments les différenciant des gammes précédentes. Par suite et alors même que la société requérante n’élabore pas elle-même de nouvelles collections, les dépenses qu’elle a exposées peuvent être regardées comme “ liées à l’élaboration de nouvelles collections “ au sens des dispositions du h du II de l’article 244 quater B du code général des impôts. 7.Il résulte de ce qui précède que la société France Teinture est fondée à demander le remboursement d’un crédit d’impôt de 75 466 euros correspondant aux dépenses de personnel qu’elle a engagées en 2013 pour l’élaboration de nouvelles collections. Elle est, par suite, fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. »
Commentaire :
Par cet arrêt, la Cour Administrative d’Appel de Nancy a eu à se prononcer sur l’éligibilité au titre du CIC de dépenses engagées par une société pour la réalisation, à la demande de ses clients et aux fins de la fabrication par eux de nouvelles collections, d’échantillons de tissus, qui ne sont pas destinés à la vente. La Cour relève tout d’abord que l’absence de styliste ou autre technicien de bureau de style ne saurait exclure la prise en compte des dépenses afférentes aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d’échantillons non vendus.
Elle relève ensuite que les travaux du contribuable portent « sur la mise au point de différents éléments les différenciant des gammes précédentes ». Les juges en concluent que les dépenses engagées par une société pour la réalisation d’échantillons, quand bien même elles ne seraient pas engagées pour l’élaboration de nouvelles collections réalisées par le contribuable, peuvent être valorisées au titre du Crédit d’Impôt Collection en tant que dépenses « liées à l’élaboration de nouvelles collections ».
Cette décision rappelle que les activités des sous-traitants engageant des dépenses dans le cadre de nouvelles collections élaborées par leurs clients sont éligibles au titre du Crédit d’Impôt Collection.
CAA de NANCY, 2ème chambre – 20/06/2019, 18NC00303- SAS La Fabrique du sur-mesure
« 4.Si la société requérante conçoit les vêtements qu’elle commercialise, elle sous-traite leur façonnage à sa filiale chinoise la société Tailorfit, à partir des matières premières constituées par les textiles utilisés et des mesures recueillies sur les clients dans ses boutiques. Sa filiale lui livre ainsi les produits semi-finis. La société fait valoir qu’elle assure la transformation de ces produits en produits fabriqués et dispose à cet effet de nombreuses machines industrielles telles que chaudières industrielles, machines à coudre, surjeteuses, ou encore ourleuses. Cependant, il résulte de l’instruction que sur un montant total d’immobilisations de 1 414 488,56 euros, les installations techniques représentent 98 045,15 euros, tandis que la part des matériels et logiciels informatiques immobilisés s’élève à 142 885 euros, celle des concessions de brevets et droits à 155 504,31 euros et celle du droit au bail pour les différentes boutiques à 330 000 euros. Il s’ensuit que la part du matériel industriel et de l’outillage dans l’actif immobilisé de la société au titre de l’année en cause est très réduite. En outre, il apparaît que la valeur ajoutée des finitions apportée par la requérante dans le processus de fabrication n’est pas significative. Dès lors, la SAS La Fabrique du sur-mesure ne peut être regardée comme exerçant une activité industrielle au sens des dispositions du h du II de l’article 244 quater B du code général des impôts et ne pouvait pas, pour ce motif, bénéficier du crédit d’impôt recherche qu’elles prévoient pour les dépenses liées à l’élaboration de nouvelles collections. »
Commentaire :
Cette décision s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence du Conseil d’Etat qui considère en matière de sous-traitance que la tolérance doctrinale selon laquelle peuvent bénéficier du CIR les entreprises qui sous-traitent leur fabrication à des tiers n’a pas pour effet d’étendre le bénéfice du dispositif aux entreprises qui n’exercent aucune activité de production.
Ainsi, les entreprises qui sous-traitent toute leur production sont exclues du dispositif (Rép. GRAU AN 16-4-2019 n°14136 et CE 28-3-2018 n° 391678). Les juges ont considéré qu’une société ne peut être regardée comme ayant un caractère industriel dès lors qu’elle sous-traite l’ensemble de sa production et ne dispose pas de capacité de production (CAA de Douai 11-1-2018 n°17DA02299 – EURL V2G). Au cas particulier, le matériel industriel et l’outillage dans l’actif immobilier de la société représentait une part très réduite de l’ensemble des immobilisations. Par ailleurs, les juges ont énoncé que les critères d’appréciation de la nature industrielle de l’activité devaient s’opérer au niveau de l’entreprise bénéficiaire du crédit d’impôt et non au niveau du groupe.
Commentaire :
La question posée aux juges était celle de savoir dans quelles mesures une entreprise de ce secteur pourrait affirmer qu’elle réalisait une activité industrielle. Les juges ont procédé au rappel des dispositions prévues par le h) de l’article 244 quater B du CGI qui prévoit que ‘’les dépenses liées à l’élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir’’ sont éligibles au CIR. Partant de là, les juges ont pu dégager un premier indice, celui de l’importance de moyens techniques utilisés, et ensuite, différents faisceaux d’indices tenant au chiffre d’affaires, aux propriétés des matières premières, aux dotations aux amortissements – qui sont pris en compte pour démontrer le caractère industriel de l’activité.